POURQUOI CE LONG SILENCE?

 Notre dernier album est sorti en 2008, et après on devait retourner en studio pour sortir un album et c’est là qu’il y’a eu un souci. La crise qu’a connue la Cote d’Ivoire, le problème de la piraterie ont constitués un frein à ce projet. Nous avons donc trainé un peu partout notre bosse, nous sommes allés en studio, nous avons rencontré un ami du nom de Rodrigue N’Guessan et puisque nous n’avions pas les moyens, pas de producteur, nous avons décidé de faire un single en lieu et place de l’album. Nous avons donc sorti ZEYIMAGAZE. Une chanson qui continue de cartonner par la grâce de Dieu et cela nous a rendu vraiment grand, ça a fait un boom. Et pour cela, on ne peut que dire merci à cet être, notre Dieu tout-puissant. A travers ce single, nous avons pu avoir aujourd’hui une maison de production qui est DJM PROD, que nous saluons au passage et à qui nous disons merci. A la suite de cela, nous sommes allés vers celui qui nous a donné le nom les Marabouts, le père David Tayorault, qui n’avait jamais arrangé nos albums. Nous le connaissons depuis 21 ans, et c’est ainsi, qu’il a accepté de nous arranger et nous avons fait l’album « Renaissance » avec le titre phare qui cartonne en ce moment DJOULABOUGOU enregistré en live. Ensuite, pour dire merci à l’arrangeur qui a travaillé sur l’ancien album, nous avons fait trois titres qui figurent aussi sur ce nouvel album. QUELS SONT LES TERMES ABORDES DANS VOTRE NOUVEL ALBUM ? Aujourd’hui, c’est les fait de société, voyez-vous, le zouglou c’est l’identité culturelle de la musique africaine, le zouglou c’est la mère en matière de musique en Côte d’Ivoire, nous ne l’avons pas pris ailleurs afin de venir la transformer, c’est le gbégbé, l’abodan, le djinbé que l’on retrouve dans nos cultures ici en Côte d’Ivoire. Nous avons pris tout cela et nous avons fait quelque chose de bon. Voilà pourquoi le zouglou est la musique mère de la Côte d’Ivoire. Donc nous avons par exemple une chanson qui parle de nos factures de courant. On parle aussi, de la nourriture aujourd’hui qui a un coût élevé, on parle du dédouanement qui est coûteux. Donc c’est cela le zouglou, nous disons haut et fort ce que vous dites bas. Nous sommes les oreilles, les yeux et la bouche du peuple.

ON PEUT DONC AFFIRMER QUE VOUS ETES DES ARTISTES ENGAGES ?

Oui on peut le dire, parce que nous n’allons pas nous dé- sengager. Tant que les choses seront bizarres, nous dirons toujours la vérité et c’est de ça qu’il s’agit.

 EST-CE QUE VOUS NE CRAIGNEZ PAS DES REPERCUTIONS ?

C’est une vérité que nous disons, c’est des faits de société que nous vivons. Je dis ce que nous vivons et cela n’est pas méchant au fait. C’est la vérité, c’est un cri de cœur afin qu’on puisse revoir les conditions de vie des ivoiriens pour qu’ils puissent vivre à l’aise. EST-CE QUE SELON VOUS CAMSO, LE FAIT DE DECRIER CES FAITS DE SOCIETE PORTE DES FRUITS ? Oui cela porte ces fruits. Avec les réseaux sociaux qui sont là et aujourd’hui, on entend beaucoup de choses venant du monde entier, et que tu le veuilles ou non, on sera sur facebook, instagram, sur tweeter et nous sommes entendus de partout. De ce fait, ce qu’une tierce personne refuse d’entendre par exemple, son neveu qui sera connecté via les réseaux sociaux verra et entendra les publications.

DONC LE FAIT DE PORTER HAUT CE QUE LES GENS PENSENT BAS A UNE REPERCUTION DIRECTEMENT SUR LES DECISIONS QUI PEUVENT ETRE PRISES CONCERNANT LE VECU DES IVOIRIENS ?

Oui oui aujourd’hui c’est une fierté pour nous. On nous a dit de ne pas fumer en public, on a respecté cela, on a dit pas de téléphone au volant, on a respecté. Nous avons un nouveau pont, on l’utilise, on paye. On dit qu’il y’a Ebola, qu’il ne faudrait pas manger la viande de brousse, on a respecté. Mais nous les artistes, notre affaire de piraterie, ils disent quoi même, la question reste posée. Et là je parle des artistes, de nous même notre vie. Mais est-ce qu’on doit me mettre en prison pour cela ? Est-ce que je suis le seul artiste ? (rires). C’est juste pour vous dire, voilà ce qu’on vit, et c’est qu’on vit qu’on dit dans nos messages donc il n’y’a pas de souci au fait.

 COMMENT SE COMPORTE LE ZOUGLOU, JE DIRAI D’ABORD EN COTE D’IVOIRE AVEC LE PHENOMENE DES DJ ? ET DANS LA SOUS-REGION AVEC L’EVOLUTION DE LA MUSIQUE NIGERIANE ?

D’abord bravo à la musique naija comme on l’appelle, bravo au coupé décalé parce que les jeunes ont créé un mouvement. Quand le mouvement coupé décalé a commencé, on n’écoutait plus les congolais en Côte d’Ivoire parce que c’était bien parti. Mais ils ont commencé à se faire des clashes entre eux. Les naijas ont récupéré le mouvement aujourd’hui, ils font fort partout dans le monde entier. Mais nous zouglou, ‘‘c’est tatouage qui fait publicité, sinon vergeture est calée dans son coin’’. Aujourd’hui il y’a des mouvements zouglou partout dans le monde, dans les endroits, vous verrez un espace zouglou, vous verrez un coin où on ne joue que de la musique zouglou. Aujourd’hui, le zouglou est partout. Montrez moi un endroit dans le monde où on ne joue que de la musique coupé décalé, il n’y a n’en pas. Moi je le dis ouvertement, les artistes du coupé décalé ont commencé à avoir de très belles mélodies, des textes bien soignés. Mais ils ne sont pas soudés et c’est cela le problème. S’ils étaient soudés vous verrez que la Cote D’Ivoire sera number one en Afrique et cela je le dis du fond du cœur.

C’EST QUAND UN FEATURING MARABOUT D’AFRIQUE AVEC UN DJ ?

 Avec un dj cela ne nous gêne absolument pas, le premier dj qui va se présenter, nous allons travailler. Sur le dernier album, nous avons fait un featuring avec Kajeem, nous avons fait un featuring avec un groupe ghanéen qui évolue dans le style azonto pareil un peu au coupé décalé. Nous avons donc fait du zouglou-azonto avec eux. Pour dire que c’est une musique de recherche, mais c’est en même temps un cocktail, je ne dirai pas Molotov, mais plutôt musical, c’est un brassage. Il faut que les gens comprennent qu’on ne peut être seul et puis gagner, c’est pourquoi au football par exemple, on se met ensemble et on gagne. Je répète encore que si les enfants là (les DJ) sont ensemble, ils vont gagner parce qu’ils sont très bons, ils ne sont pas à négliger.

COMMENT SE COMPORTE LE ZOUGLOU A L’ETRANGER SURTOUT EN EUROPE ? PARCE QU’AUJOURD’HUI A PART MAGIC SYSTEM QUI FAIT FORT EN EUROPE, ON NE VOIT PAS DE GRAND GROUPE ZOUGLOU IVOIRIEN FAIRE UN BOOM DU COTE DE L’EUROPE ?

 Vous savez, ce que je vais dire n’engage que moi, il y’à savoir chanter et avoir la chance d’être dans la musique. Magic a fait un travail, un beau travail, un très beau travail, ils sont à féliciter. Voilà des enfants qui viennent d’un quartier précaire, un dioulabougou comme on peut le dire, anoumanbo notre village. On était ensemble et on voyait tout le monde chanter, tout le monde allait en Europe pour aller chanter. Et quand eux, ils sont arrivés en Europe, ils n’ont pas visé le côté black. Magic System a eu la chance, c’est un DJ qui a fait un mixage de leur chanson selon la sonorité européenne. C’est comme ça qu’ils ont commencé. Et quand ils ont commencé les concerts, ils ont arrêté de jouer « premier gaou » comme on le connaissait en Côte d’Ivoire, ils ont joué comme le voulait les blancs. A partir de là, ils se sont dit mais tiens, voici une porte qui s’ouvre, on fait quoi ? On est zouglou c’est bien beau, on dépose juste nos paroles sur la musique européenne et puis on avance. Et c’est ce qui fait aujourd’hui Magic System, c’est une chance et ils sont à féliciter. Ils ont aujourd’hui combien de disque d’or, combien de disque de platine, c’est ça. Cependant, quand on ouvre une porte à un grand groupe comme Magic System, qu’est-ce que ce groupe doit faire ? C’est de juste tirer les gars, ceux qui sont juste à côté. C’est pourquoi aujourd’hui moi je respecte les nigérians. Lorsque 2 Face Idibia a eu le succès et que le mouvement coupé décalé est sorti et qu’ils ont vu, ils ont repris le mouvement. Aujourd’hui, ils ont commencé à se produire entre eux. Quand un nigérian va quelque part, il envoie directement le CD de ses frères, il le dépose dans les chaines de télévisions. Mais ici en Côte d’Ivoire, ce n’est pas le cas, ici chacun va comme il le veut. Si le grand Alpha Blondy attrapait la main de bon nombre d’artistes ivoiriens ne serait-ce que pour faire la première partie de ses concerts, Alpha c’est le numéro un du reggae au monde actuellement, il ne paie pas de billet d’avion ni de chambre d’hôtel. Il décide tout simplement de mettre dix ou deux personnes dans un concert par exemple, cela va nous faire avancer. C’est dans ces situations qu’on découvre les talents. Ce qu’on appelle en bon français première chance. Tu viens tu fais la première partie du concert, maintenant si ton étoile n’a pas brillé, cela n’est plus de son ressort. A toi de savoir jouer. Tu viens sur la scène, il y’a des milliers de personnes, tu viens t’exprimer, tu viens vendre ton art. C’est pourquoi en Côte d’Ivoire, on dit l’art nourrit son homme, mais ici c’est l’homme qui nourrit son art.

 COMMENT EST L’HARMONIE AU SEIN DES GROUPES ZOUGLOU EN COTE D’IVOIRE ?

 L’harmonie y est, mais l’hypocrisie est grandissante, n’attendons pas qu’on ait des funérailles, pour qu’on vienne s’associer et dire qu’on est unis, n’attendons pas qu’il y ait un concert d’un tel artiste zouglou pour que tout le monde se rassemble et vienne soutenir. Parce qu’après le concert on fait quoi ? C’est de cela qu’il s’agit. On est unis certes mais il y a l’hypocrisie dans la musique ivoirienne, parce que personne ne veut voir l’autre évoluer. Dieu merci aujourd’hui nous sommes connus, on a fait la Suisse, l’Espagne, nous sommes allés en Uruguay. Nous étions e premier groupe Ivoirien à représenter la Côte d’Ivoire en Uruguay. Donc si nous étions unis comme les naijas, la Côte D’Ivoire serait le number one, on a tout ici, c’est le seul pays au monde où tout pousse, c’est une bénédiction, une grâce. Naitre en Côte d’Ivoire est une bénédiction.

EST-CE LE MANQUE DE SOLIDARITE QUI FAIT QUE LA PLUS PART DU TEMPS LES ARTISTES VIENNENT SUR LES RESEAUX SOCIAUX DEMANDER DE L’AIDE A LA POPULATION LORSQU’ILS ONT DES SOUCIS DE SANTE ?

 Oui parce qu’il y’a la piraterie qui nous tue, les gens ne font rien. Aujourd’hui on ne peut pas pirater une œuvre au Ghana, les artistes ghanéens vivent à l’aise. Ils sortent un seul album, ils ont une villa, ils ont une voiture, leur compte bancaire est plein. Mais il y’a combien d’artistes ghanéens qui viennent faire des concerts ici ? Ils n’ont même pas besoin de le faire parce qu’ils vivent à l’aise au Ghana. Mais ici, tu te fatigues pendant trois à quatre ans à composer un album et puis le pirate vient te le vendre. Ils sont les premiers à te sponsoriser pour que tu fasses sortir ton album et ensuite le pirater.

 EST-CE QUE VOUS AVEZ ESSAYE DE FAIRE DES PROPOSITIONS AFIN D’ENDIGUER CE PHENOMENE ?

Cela fait plusieurs années, que nous décrions ce phénomène, on a même fait des tapages médiatiques, il y’a certains qui se sont fait bastonner au Plateau, on se rappelle très bien. Je pense pour ma part que les politiques doivent plus se pencher sur ce problème pour permettre aux artistes ivoirien de vivre de leur art.

 QUELLE EST L’ACTIVITE DES MARABOUTS D’AFRIQUE ?

 En ce moment, nous sommes en pleine promo par rapport au dernier album, nous bougeons énormément. Nous travaillons continuellement. Et, Dieu merci ! Les gens nous ont déjà fait appel pour des concerts sur l’Europe. De toutes les façons, vous serez informés. Allons lentement mais sûrement. Mais ça va.

propos recueillis par K Melissa